En effet, les pays européens qui importent une quantité importante de gaz provenant de producteurs étrangers évaluent de plus en plus leurs options d'énergie nucléaire. La Belgique, par exemple, annonce son intention d'étendre l'utilisation de ses centrales nucléaires, citant les inquiétudes concernant l'instabilité géopolitique.
Cependant, les progrès dans le nucléaire ont tendance à se faire par à-coups, plutôt qu'en ligne droite. Au Royaume-Uni, par exemple, aucun réacteur nucléaire n’a été construit depuis l’achèvement du réacteur Sizewell B en 1995. Puis, en septembre 2022, l’une des dernières mesures de Boris Johnson en tant que Premier ministre a été d’annoncer que le gouvernement britannique prendrait une participation de 20 % dans la nouvelle centrale nucléaire Sizewell C prévue pour Suffolk, un projet qui prendra plus d’une décennie à construire. Entretemps, les ménages britanniques doivent faire face à une augmentation de 65 % de leurs factures de gaz et d'électricité cet hiver en raison de la crise énergétique.12 Bien que le projet Sizewell C n'aidera pas les consommateurs britanniques aussi rapidement, il constitue une étape majeure pour le Royaume-Uni qui souhaite fournir davantage d'électricité locale.
Le gaz étant devenu une denrée rare à la suite de l'invasion de l'Ukraine par la Russie, l'Allemagne a annoncé qu'elle augmenterait considérablement son utilisation de charbon hautement polluant afin de préserver son approvisionnement énergétique avant l'hiver. 13 En outre, les plans de l'Allemagne visant à fermer ses trois dernières centrales nucléaires ont évolué : en septembre, le pays a annoncé son intention de reporter deux des trois fermetures. 14
Tous ces événements géopolitiques et macroéconomiques sont interconnectés, car les prix de l'énergie sont fortement influencés par le coût du gaz. L'électricité de base allemande destinée à être livrée l'année prochaine, le prix de référence européen, a dépassé 700 euros par mégawattheure à la fin du mois d'août (voir la figure 7). Aux prix actuels, l'environnement opérationnel reste difficile pour les gros consommateurs d'énergie, comme les entreprises manufacturières allemandes.15
L’UE a mis en place un plan pour devenir indépendante de l’énergie russe. Appelé REPowerEU, le plan de 300 milliards d'euros comprend des objectifs de déploiement des énergies renouvelables plus ambitieux. Des objectifs de capacité plus élevés et des subventions et prêts de l'UE devraient permettre d'accélérer de 5 fois les ajouts annuels de capacité d'ici 2026-2030.16
Compte tenu de cet environnement, le nucléaire devrait être bénéfique. La France produit déjà près de 70 % de ses besoins en électricité à partir de l’énergie nucléaire (bien qu’une série de problèmes de maintenance ait temporairement réduit ce montant).17 Cette année, le pays a lancé des plans visant à augmenter sa production nucléaire avec la proposition de développer jusqu'à 14 nouveaux réacteurs. Cette décision marque un renversement radical de politique par rapport à il y a seulement quatre ans, lorsque la France avait annoncé son intention de fermer 20 % de son parc de réacteurs.